Routes départementales, toute une histoire

La météo est parfaite pour faire du vélo. Le ciel est si beau, ce n’est vraiment pas un calvaire de rouler dans ces conditions. Le cyclotouriste file vers Auxi-le-Château, sur la route départementale 941. Il avale les kilomètres comme les nuages semblent aspirer la chaussée. La RD 941 est historiquement attachée à la route nationale 41 qui reliait Saint-Pol-sur-Ternoise à la frontière belge en passant par Béthune et Lille. Dans les années trente, un tronçon entre Saint-Riquier (dans la Somme) et Frévent avait été ajouté, tronçon qui traversait Auxi-Château, Vacquerie-le-Boucq, tronçon sur lequel fonce le cyclotouriste. C’est une longue ligne droite, la route est très fréquentée, sur deux roues il faut redoubler de prudence. Le cyclotouriste arrive au croisement avec la route départementale 117…

RD 941RD 941
CD62/Y.Cadart

À droite, c’est Buire-au-Bois, déclaré "Village patrimoine" en 2017, une "pépite" dont l’office de tourisme Ternois - 7 Vallées vante régulièrement l’éclat.

"Buire-au-Bois est niché au creux d’une vallée sèche menant vers l’Authie, dans un environnement calme, aux couleurs changeantes au gré des saisons…" Ce village de 232 habitants est constitué d’un cœur, du hameau de Bachimont (vers Haravesnes) et de la ferme de Mamur très éloignée des autres habitations. L’église Notre-Dame est "fièrement campée sur une colline et domine tout le village de son clocher à bulbe". Bâti à la fin du 18ième siècle, cet édifice fait l’objet d’un plan de sauvegarde et il a figuré sur la liste des monuments en péril que l’État va aider grâce aux fonds du Loto du patrimoine cher à Stéphane Bern.

S’il a choisi cette route, notre cyclotouriste pourra ralentir et jeter un œil sur la mairie-école du 19ième siècle, sur le manoir du 17ième, sur les maisons en torchis, sans oublier l’arbre remarquable ayant l’aspect d’une femme et baptisé "Marchande des quatre saisons". Au hameau de Bachimont, il fera une première pause devant la "Folie", un château du 18ième siècle style Louis XV, restauré dans les années 90, et une seconde devant l’ancienne base de lancement de V1 de la Seconde Guerre mondiale. Sur les hauteurs, des pâtures "torturées" rappellent l’exploitation du phosphate de 1885 à 1905.

À gauche au carrefour, c’est Noeux-lès-Auxi, autre "Village patrimoine" depuis 2017 et véritable "éserve de patrimoine" selon l’office de tourisme Ternois - 7 Vallées. Les tilleuls plus que centenaires de la place du village offriront un peu d’ombre au cyclotouriste qui souhaite souffler…

Une école, une mairie, une église, un ancien presbytère, un château, une ferme picarde, une ancienne gare, la chapelle Notre-Dame-de- Liesse : le patrimoine architectural est présent aux quatre coins du village. Et le patrimoine naturel n’est pas en reste ! Noeux-lès-Auxi est célèbre pour sa réserve du Riez. Il faudra laisser le vélo et y grimper à pied. Chaque année (enfin sans la Covid !) en mai, une transhumance "comme à la montagne" emmène vers ce Riez chèvres et moutons qui vont entretenir le coteau calcaire, huit hectares révélant une flore (des orchidées) et une faune (des criquets et des sauterelles) atypiques.

Et tout droit, c’est Auxi-le-Château, un petit paradis pour les amoureux du vélo avec ses rues pavées (il faut de bons mollets pour aller vers l’église Saint-Martin perchée sur une butte dans le quartier de la Montagne) ! Après avoir traversé le bois d’Auxi, à l’entrée de la ville, notre cyclotouriste passera d’ailleurs devant les maisons de deux anciens champions de la "petite reine". "À Auxi on vaccinait les enfants avec un rayon de bicyclette" rigolait Daniel Mangeas, ancien speaker du Tour de France.

Raymond Hoorelbeke, "Ch’Ray" comme c’est écrit sur la façade, a fêté ses 91 ans le 3 janvier dernier. Champion de France amateur en 1953, il a ensuite passé huit années dans le peloton professionnel, participant à huit éditions du Tour du France, trois du Tour d’Espagne et une du Tour d'Italie. Son voisin Camille Huyghe, "Ch’Cam’ ", 91 ans depuis le 16 février, a été l’un des héros du Tour de France 1 956 (qui passa à Auxi-le-Château le 7 juillet), les journaux le surnommant "la momie pédalante" à cause de ce gros pansement à la tête après une chute dans la descente d’un col. Hoorelbeke et Huyghe ont porté les couleurs du Véloce-club auxilois créé en 1927 et ils connaissaient par cœur les routes de l’Auxilois dont ce fameux tronçon entre Frévent et Saint-Riquier devenue la route départementale 941. La météo est finalement parfaite pour une longue sortie et notre cyclotouriste poussera une pointe jusqu’à Saint-Riquier.

Article écrit par Christian Defrance pour l'Écho du Pas-de-Calais 206 de mars 2021.

Vous pouvez télécharger l'intégralité du numéro sur la  page dédiée .

Découvrir l'histoire des autres routes départementales

En savoir plus sur la voirie dans le Pas-de-Calais